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Pour une indexation des salaires plus juste et plus efficace

·741 mots·4 mins·
Belgique
Sommaire

Alors que l’inflation augmente à nouveau, entraînant le dépassement de l’indice-pivot, le débat sur l’indexation automatique des salaires en Belgique illustre parfaitement la polarisation qui caractérise souvent les questions socio-économiques. D’un côté, les syndicats et la gauche défendent fermement ce mécanisme comme un acquis social intouchable. De l’autre, le patronat et la droite plaident régulièrement pour sa suppression ou son gel temporaire via des “sauts d’index”. Entre ces positions tranchées existe pourtant une voie médiane, à la fois protectrice socialement et économiquement viable : l’indexation dégressive.

La confusion entre besoins essentiels et confort
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L’indexation automatique des salaires poursuit un objectif social clair : permettre aux travailleurs de maintenir leur niveau de vie face à l’inflation. Mais cette approche uniforme néglige une réalité fondamentale : l’impact de l’inflation n’est pas le même selon le niveau de revenu.

Pour un salaire modeste, l’indexation est vitale : elle permet de continuer à payer son loyer, à se nourrir, à assurer l’éducation des enfants. Pour un salaire élevé qui couvre déjà largement ces besoins essentiels, l’indexation automatique va au-delà de sa vocation sociale : elle préserve la capacité d’épargne ou de consommation non-essentielle.

Cette distinction est cruciale : si la société doit garantir à chacun la capacité de faire face à ses besoins fondamentaux, la préservation du pouvoir d’achat discrétionnaire relève davantage de la politique salariale de l’entreprise que d’un mécanisme social automatique.

Les effets pervers du système actuel
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L’application uniforme de l’indexation crée plusieurs paradoxes qui vont à l’encontre de ses objectifs sociaux et économiques.

Un mécanisme qui amplifie les écarts salariaux
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Une indexation de 3% représente une augmentation de 750€ pour un salaire de 25.000€, mais de 2.400€ pour un salaire de 80.000€. Cette différence, qui se répète année après année, contribue mécaniquement à creuser les écarts salariaux au sein des entreprises. Paradoxalement, un mécanisme conçu pour protéger les travailleurs finit ainsi par accentuer les inégalités salariales.

Un frein à la progression des jeunes talents
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En début de carrière, positionnés sur des salaires naturellement plus modestes, les jeunes professionnels voient leur progression bridée par un mécanisme qui privilégie systématiquement les rémunérations plus élevées. Leurs augmentations automatiques plus faibles en valeur absolue, combinées à l’absorption des budgets d’augmentation par l’indexation des hauts salaires, limitent significativement leur capacité de progression, même en cas de performance exceptionnelle.

Un risque pour l’emploi des seniors
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Les salariés expérimentés peuvent voir leur emploi menacé lorsque l’accumulation d’indexations automatiques rend leur coût disproportionné par rapport à leur contribution, particulièrement dans les périodes de forte inflation. Les entreprises se retrouvent alors face à un choix difficile : maintenir des emplois devenus trop coûteux ou envisager des licenciements économiques.

Une entrave à la méritocratie
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En absorbant une part disproportionnée des budgets d’augmentation, ce système réduit la capacité des entreprises à récompenser la performance réelle et à gérer équitablement l’évolution des carrières. La reconnaissance du mérite se trouve ainsi souvent sacrifiée sur l’autel d’un automatisme qui profite davantage aux salaires élevés.

Pour une approche plus équilibrée
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La mise en œuvre d’une indexation dégressive reposerait sur un mécanisme théoriquement simple: par exemple, la formule actuelle de calcul du taux d’indexation pourrait être maintenue, complété par l’introduction de deux salaires pivots. En dessous du premier pivot, l’indexation s’appliquerait intégralement, comme aujourd’hui. Au-delà du second pivot, elle deviendrait nulle, laissant aux entreprises toute latitude pour augmenter les salaires selon le mérite. Entre ces deux seuils, le taux d’indexation diminuerait progressivement, passant du taux plein au premier pivot à zéro au second.

Taux d'indexation dégressif en fonction du salaire

Cette approche permettrait de :

  1. Recentrer le mécanisme sur sa vocation sociale

    • Garantir la protection des besoins essentiels pour tous
    • Laisser aux entreprises la liberté de récompenser le mérite au-delà
    • Contribuer naturellement à la réduction des écarts salariaux
  2. Dynamiser la gestion des talents

    • Dégager des marges pour récompenser la performance à tous les niveaux
    • Faciliter la progression des jeunes professionnels
    • Maintenir la compétitivité des salariés expérimentés
  3. Renforcer l’équité

    • Assurer une protection renforcée là où elle est vraiment nécessaire
    • Permettre une gestion plus juste des évolutions de carrière
    • Préserver l’emploi à tous les niveaux de l’organisation

Une modernisation nécessaire
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L’indexation automatique des salaires fait partie intégrante du modèle social belge. Son évolution vers un système dégressif permettrait de la recentrer sur sa vocation première - la protection des besoins essentiels - tout en contribuant à une plus grande équité salariale. Cette modernisation démontrerait qu’il est possible de renforcer notre modèle social tout en l’adaptant aux réalités économiques actuelles.